10 km Caluire 2014 : quel ingrat, ce bitume !

Written by yesben. Posted in Comptines 2014

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Mais quelle mouche m’a piqué de m’aligner sur un 10 km route pour la dernière course de ma vie chez les seniors ? J’ai voulu voir ce que la bestiole “dieselisée” par des mois d’ultra-trail pouvait donner. Je n’ai pas été déçu du voyage : j’ai joliment pétaradé… sans décoller.

> COURS… OU CREVE

Ce qu’il y a de bien avec la course sur route, c’est qu’elle t’apprend à rester humble. Impossible de jouer les faux-semblants comme sur les sentiers biscornus, où une minute perdue par-ci, par-là, passe inaperçue. Sur un trail, lorsque tu décides de marcher, personne ne te couvre d’opprobre. Parce que le chrono importe peu sur un terrain où même les champions n’ont aucune honte à réduire leur foulée jusqu’au presqu’insignifiant.

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Va tenter de te mettre à randonner sur un 10 km route : au mieux, tu auras droit à un « Alleeeeez, c’est pas le moment d’abandonner ! » ; et si par malheur tu détournes le regard vers les spectateurs, tu interprètes aisément leurs sourires en coin : « Pffff… encore un qui est parti trop vite » ; « Le jour où il courra autant avec sa tête qu’avec ses jambes, celui-là, les coccinelles auront des dents ! »

A l’inverse, ce qui est terriblement piégeux avec le trail, c’est de prendre le départ d’une « coursinette » désertée par les cadors. Car si tu parviens, dans un jour d’égarement, à monter sur la boîte ou t’en approcher, la melonite aigüe risque de t’envahir tout entier. Et ta trompeuse super forme du jour te laisser penser à tort que « l’expérience compense enfin le manque d’entraînement. » Roulement de tambours et emballement inconscient immédiat : « Waaaaaaa… qu’est-ce que ça va donner quand je vais atteindre mon pic de forme. » Et glas, et patatras !

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> RIEN QUE LA VERITE VRAIE

Avec la course sur route, nada. Rien de tout cela. Aucun risque de « t’enduire d’erreur ». Tout juste as-tu droit au goudron et aux plumes à l’arrivée. Sur le bitume, les bonnes surprises n’existent pas. Seul l’entraînement paie. Sur le macadam, le chrono se révèle d’une implacable justesse. Et un impitoyable « guillotineur » les jours où la tête et les jambes ne sont pas en symbiose.

Voilà pourquoi j’appréhendais ces 10 km de Caluire, disputés chaque fin octobre dans l’agglomération lyonnaise. 10 000 fois plus de pression ressentie ce dimanche matin qu’au départ des 120 km de la montagnarde TDS fin août, vous y croyez ? « Un petit 10 km dans la musette comme course de reprise, c’est bien gentillet pour un crapahuteur de ton espèce. » Méprenez-vous, aimables ignorants… Des 10 bornes qualificatifs France aussi lisses que la route de Vannes, j’en ai écumé des dizaines durant mes jeunes et fougueuses années, à chaque fois quasi-terrifié au réveil-matin.

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La vérité, c’est que plus j’étais entraîné, plus ça faisait mal. C’est qu’il fallait aller les chercher au mental, ces précieuses secondes, pour faire tomber le chrono perso. Le lactique qui déchiquette les mollets après 20 mn à peine, l’asphyxie qui inonde la cage thoracique… N’en jetez plus : sur ces 10 km bitumineux, le corps tout déglingué s’affale sur la ligne d’arrivée. L’écume jaillissant de tous les orifices de la tête, malgré les heures passées à s’époumoner sur les pistes d’athlétisme à l’entraînement. Cruelle distance…

> COCOTTES-MINUTES A BORD DE L’IMPLOSION

Franchement, qui éprouve du plaisir sur ces « courses-torture » lève la main. Le seul moment de satisfaction possible, c’est une fois terminé. Et encore, si le chronomètre est conforme à l’aspiration du jour. A vrai dire, ce qu’il y a de super crado avec le bitume, c’est qu’à part calculer tes temps de passage tous les kilomètres et surveiller ta fréquence cardiaque, il n’y a pas grand chose à faire, ni à voir, au milieu de paysages urbains sans âme.

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Pis, la douleur empirant, les secondes s’égrènent à la vitesse d’un escargot. Rien, vraiment rien au milieu des zones industrielles désertes, qui puisse décrisper et distraire ton attention, sinon de rares encouragements. Tellement loin du bonheur ressenti sur les circonvolutions montagneuses…

Si c’est si moche, si ça fait si mal, à quoi bon continuer à m’aligner sur ces 10 km de torture ? La chasse au chrono ? Bloqué à 32’55 depuis près de 15 ans, je n’ai plus grand-chose à espérer de ce côté-là. Encore mon côté sportif masochiste qui ressort ? Certainement, mais pas seulement, car le goudron m’a apporté quelques jubilatoires satisfactions par le passé. Et puis…

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> CHAUFFE-BITUME QUI PEUT

Comme à chaque fois en phase de reprise de l’entraînement, il me parait fondamental de revenir aux fondamentaux de la course à pied. Débutant un jour tu as démarré, coureur neuf chaque nouvelle saison tu redeviendras. Piste, cardio à l’entraînement, 10 km sur route, semi, marathon, presque tout y passe avant de m’autoriser à basculer à nouveau dans les pentes herbeuses et caillouteuses.

Ce serait tellement moche de trop perdre en vitesse, sachant que les longues montées, bien que travaillées à l’entraînement, n’ont jamais été mon point fort. Sans doute parce que les routes bosselées correspondent le mieux à mon profil.

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Apprendre et réapprendre régulièrement à courir vite sur de courtes distances, c’est dingue de voir comment cela désintéresse nombre de trailers, pour qui les mots « VMA » et « fractionné » riment avec Urticaire. A chacun son trip après tout. J’ai la chance d’être né éclectique baskets aux pieds, coureur au profil atypique qui s’accommode à tous les terrains. Cela me va très bien.

Le plus étonnant sur ces 10 km de Caluire, parcourus en 35’59, c’est que j’étais persuadé d’avoir tourné bon train sur cette double boucle quasi-estivale. Pas de vraiment de coup de mou, avec la promesse faite au départ de ne pas regarder les temps de passage à chaque kilo. Au final… wow, wow, wow. Double aller-retour de baffe sur le tour de stade final. 3 minutes et 04 secondes cédées à ma référence sur la distance, c’est moche, mais c’est le verdict implacable du jour : mon loustic, il va falloir te botter les fesses et te remettre en selle fissa !

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> LA VERITE SORT DE LA BOUCHE DES…

Papa-superman se croyait encore vaguement superhéros auprès de ses petits, il se contentera juste d’endosser son nouveau costume de super-blaireau. Sans frustration aucune. J’ai curieusement presque pris du plaisir cette fois-ci. J’étais amusé, à peine la porte de la maison franchie, d’entendre mon garçon lancer : « Papa, t’as ramené une coupe ? » Je le regarde, prenant un air sérieux : « Eh non, mon fiston, je n’ai fait que 38e sur 1 084 coureurs, mais tu sais, papa il vieillit et court de moins en moins vite. »

Arrive sa petite sœur qui a tout entendu et m’enlace : « On s‘en fiche papa, pour moi tu seras toujours le plus fort du monde. » Autant dire que les breloques et autres coupinettes sont depuis un moment bien loin reléguées dans mes priorités… Pour ma nouvelle vie de coureur vétéran à venir, une seule devise : just run, just fun !

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Photos® : Adam, Angus McLeod, Ben, 10 km Caluire
 

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Commentaires (3)

  • Cécile de Neuville

    |

    Donc ça y est c’est officiel : on peut balancer tes coupinettes qui prennent la poussière ? 😉

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  • bruno rey

    |

    merci pour ce très bon moment de lecture ! comme d’hab !
    et arrête de nous faire rire avec le : « non pour moi les breloques c’est finit …… »

    on verra qui va se battre pour monter sur la première marche de la boite en bois chez les V1 dans les prochaines courses 🙂
    tu es un compétiteur dans l’âme et quelque soit la course, l’âge ou la forme du moment tu continueras a te faire exploser les cuisses et les poumons dès le coup de pistolet passé !!

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  • yesben

    |

    Mince, en voilà un qui a visé en plein dans le mille, je suis démasqué !!!
    Plus sérieusement, tu as raison Bruno : l’instinct de compétition, quel que soit son niveau, ne disparaît pas du jour au lendemain.

    Pire, avec le changement de catégorie d’âge récent, j’ai l’impression qu’il renaît… après avoir fait une grosse grasse-mat. C’est malin, je me sens « obligé » de me réentraîner sérieusement maintenant 😉

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