Gaillardaise 2015 : le roi de l’illusion
Trois mois après mon dernier dossard et une vilaine blessure au mollet, J’ai frappé fort pour mon retour à la compétition : 3e au cross international de Gaillard-le-Château dans l’Ain. Ah la belle imposture, oh le joli roi de l’illusion !
> ABRACADABRA, C’EST MOI QUE REVOILA
Ce dimanche, pour ma course de reprise, j’avais le choix entre les championnats de France de cross aux Mureaux en Ile-de-France, où je me savais très attendu, ou un « run » confidentiel dans une paisible bourgade de l’Ain : Gaillard-le-Château et ses 1 800 âmes. Autant par commodité familiale que parce que le bonhomme court peu après les feux des projecteurs, sans compter que j’ai égaré ma licence FFA, j’ai privilégié une modeste rentrée. Oh mince alors, obligé de me confronter au gratin de la plaine de l’Ain !
Pour regagner de la confiance quand la cylindrée commence tout juste à remonter dans les tours, rien de tel qu’une petite coursette de campagne, sans dénigrer cette Gaillardaise savamment orchestrée. Trois mois après mon dernier dossard sur la SaintéLyon, je dois avouer un truc inavouable : les épingles qui piquent les tétons, ça commençait à méchamment me manquer. Bonne nouvelle en parcourant le calendrier 2015 de Jogging International en milieu de semaine : ce premier week-end de mars, les courses fleurissent avant même l’arrivée du printemps.
Comment procéder ? Simple comme un jeu de cartes dans les mains de Gérard Majax. Tu tournes le plus vite possible les pages, tu brasses de l’air avec tes bras et abracadadra : tu sors du chapeau une course pas trop loin de la maison, offrant une distance et un dénivelé raisonnables, et le moins de compétiteurs possibles, évidemment. En tant que vétéran Ain sur le retour, pas d’autre option que ce honteux stratagème si je veux tirer mon épingle du jeu. Sacré petit joueur, va… On a le talent ou on ne l’a pas.
> PRESTIDIGITATEUR J’AURAIS PU DEVENIR
Ma capacité à faire disparaître les candidats au titre est extraordinaire. Seuls 90 compétiteurs ont osé braver cette année le froid, le vent et la pluie sur le circuit de 12 km concocté par le club local CAP Bugey le long de l’A42 Lyon-Genève. Huit raisonnables petits euros, dont 1€ reversé au profit de l’Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique (ARSLA) : je « kiffe » ces organisations sans chichis ni artifices, et ces bénévoles souriants pleins de générosité et de bonne volonté.
Des tables de ravitaillement superbement garnies – même mes TUC préférés, les vrais, vous imaginez ? –, un départ donné sous un gros crachin à l’aide d’un simple mégaphone : qu’il est désormais loin, le mastodonte marathon de Paris dont j’avais initialement fait mon objectif n°1 du printemps. Après deux grosses séances réalisées dans la souffrance cette semaine, et encore 1h10 hier pendant que ma poulette gambadait sur son poney, je venais au mieux en outsider.
En regardant le classement de l’an passé, je me doutais bien qu’il y avait un coup à jouer. Hormis les 2-3 premiers qui affichaient de solides références sur route – 32 mn sur 10 km, ça commence à taquiner –, le niveau semblait bien clairsemé derrière. Même pas peur de me contenter de si peu : un petit podium V1 m’emplirait d’autosatisfecit. Mais qu’ai-je fait pour tomber si bas dans mes ambitions ?
> UN LAPIN ABSENT DE MON CHAPEAU
Mais ne s’improvise pas prestidigitateur qui veut. La préparation de mon numéro a frôlé l’amateurisme primaire. Mon tour a failli faire un flop auquel on ne me reprendra plus. A 30 secondes du coup de feu, je me suis bien dit aussi : « Tous ces coureurs sur la ligne de départ en chaussures de trail, c’est bizarre… » Avec mes « savonnettes » Mizuno spéciales 10 km route, je me sentais pourtant prêt à jouer les chasse-patates derrière les étoiles filantes du jour. Il ne doute parfois de rien, votre serviteur.
C’était oublier un succulent détail qui m’a éclaboussé en pleine face au fil des kilomètres : bordel de m…, pourquoi il y a si peu de lignes droites bitumineuses ? C’est quoi cette course nature ? Que j’ai eu l’air malin avec mes spatules extra-plates sur les longues portions boueuses. Flop, flop, quel joyeux manque de maîtrise : aux dérapages incontrôlés succèdent de magnifiques jurons en écho à mon manque de prévoyance. Ou comment avoir l’impression de faire du patin à glace… sans les patins.
Si le vainqueur du jour, qui pestait d’avoir loupé sa qualif aux championnats de France de cross pour quelques secondes, est venu noyer son chagrin avec brio et élégance, jouer avec le feu ne m’a finalement guère porté préjudice. Incapable de m’accrocher au second qui était lui aussi judicieusement « cramponné », j’ai fait illusion jusqu’au bout. Et réussi à préserver une pompeuse 3e place sur le podium, faute de concurrence.
12,2 km en 47’28, à 15,4 km de moyenne, y’a franchement pas de quoi grimper aux rideaux, quand bien même cet inattendu bourbier m’a royalement planté. Alors, heureux de ne pas avoir dévissé et achevé cette rentrée sur un vol plané ? Même pas. Au moment de grimper sur le podium, je n’ai pu chasser ces mots qui se sont mis à résonner dans ma tête : « Escroc, imposteur, usurpateur ! » Premier V1, pourquoi pas, mais le podium scratch, c’est franchement abusé. Magicien, je veux bien, mais mystificateur, ça craint. Sors de ce corps, JR, je ne veux point de ton univers impitoyable !
Photos : Dorian Granger, AMSTP.
Mots-clefs : gaillardaise 2015, roi de l'illusion
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