L’esprit du trail, version 1987

Written by yesben. Posted in ZAP

Le 9 octobre 1987, 40 cinglés s’élançaient à l’assaut du premier “Super-Marathon du Mont-Blanc”, 16 ans avant les grands débuts de l’officiel UTMB. Une aventure hors-normes immortalisée par un film collector. L’esprit du trail version 1987 alors, cela ressemblait à quoi ?

> SUPER 100-MILERS

Ceux qui considèrent le Népalais Dawa Sherpa et l’Américaine Krissy Moehl, premiers vainqueurs de l’UTMB en 2003, comme des pionniers, vont peut-être changer d’avis après avoir visionné ce reportage qui vaut le détour autant pour ses images que pour sa musique. Les 170 km autour du Mont-Blanc en courant, d’autres les avaient avalés une quinzaine d’années plus tôt, et avec un sacré brio.

A vrai dire, après avoir visionné ce film, une conclusion s’impose : l’histoire ne fait que se répéter. Le format des « 100 miles » en montagne, que nombre de pratiquants croient récent, était en fait déjà très en vogue à la fin des années 1980. Entre le « Super-Marathon du Mont-Blanc » disputé pour la 1ère fois en 1987 (3 étapes) et le « Super-Marathon de l’Himalaya » organisé la même année (5 étapes), l’ultra-trail était déjà en voie de fascination des hommes.

2016-esprit-du-trail-1

Côté look et matériel obligatoire, en revanche, on était à des années-lumière des années 2010… « Pour avancer vite en montagne, il faut partir léger ! » Telle était la devise de ces heureux fêlés, tout juste accoutrés d’un short échancré et du même sweat blanc pour tous, estampillé « Duarig » et « Les meubles Descartes ». Comme quoi le sponsoring non plus n’est pas nouveau dans le trail !

> GRIMPER LÉGER, C’EST LE PIED

Pas de bidon ni sac à dos, juste une paire de gants, un gros bonnet de laine voire une « ceinture banane » pour  les plus prévoyants : tel était le régime minceur de ces forçats. Sans eau ni victuailles sur soi, la 1ère étape de 75 km se contentait de fournir de menus ravitaillements à même le sol. Franchir le col du Bonhomme enneigé à plus de 2 200 mètres d’altitude en short et en tee-shirt, acte banal pour l’époque, relèverait de l’inconscience de nos jours.

D’un autre côté, l’absence de téléphone, montre GPS-cardio, bâtons, couverture de survie, tenue complète de rechange, poche à eau et autres aliments diététiques pointus leur conférait un énorme avantage : quelques kilos de moins à trimbaler, c’est évidemment plus judicieux pour mieux s’élever. Ces « rustiques » du trail se moquaient éperdument des sirènes de la mode, pour mieux se fondre dans la grandeur des beautés montagneuses que l’homme ne domptera jamais.

Au passage d’un col, l’un de ces « doux-dingues » aura ces mots visionnaires : « C’est superbe, c’est la future plus belle course qu’il y aura. » Un autre rigole devant la caméra à l’issue de la seconde étape disputée entre Courmayeur et Champex : « Les ravitos sont bien espacés, si bien qu’on se prend des sacrés coups de barre ! » Est-ce cela, l’insouciance des défricheurs ?

2016-esprit-du-trail-3

> MICHEL RABAT, HÉRITIER DE CES PIONNIERS ? 

Entre les prémices de la diététique sportive vantée par le chef cuisto en charge des menus du soir, la victoire finale du regretté Werner Schweizer – finisher des 8 premières éditions de l’UTMB avant d’être emporté par la maladie en 2011 – pour 11 minuscules secondes… Ces gars-là suscitent mon admiration. Il fallait être sévèrement burné pour s’élancer sur un tel périple en cette période de l’année.

Il y a bien un coureur, aujourd’hui, qui m’a l’air tout droit descendu de cette époque : le fondu de skyrunning Michel Rabat, agriculteur catalan de son état. Passé dans sa jeunesse par l’ultra-marketé team Salomon, il est retourné sur ses terres dès qu’il a pu et, malgré un talent évident, ne court plus qu’après une chose : le partage d’émotions avec ses congénères.

Tantôt habillé en clown, lapin, ou en « pink lady » comme le week-dernier sur la 1ère ronde des bojos à Vinça (Roussillon), ce qui ne l’a pas empêché de vaincre la tempête de neige sur les sommets et de triompher à l’arrivée. Et si l’avenir du trail était justement au retour vers plus de simplicité et authenticité ?

2016-esprit-du-trail-4

Mots-clefs :

Rétrolien depuis votre site.

Commentaires (10)

  • polo

    |

    Ca fera plaisir à sportiva de savoir qu’ils sont les cul-terreux du trail.
    salomon/sportiva même combat, mais visiblement pour retrouver l’authentique il faut se cacher derrière du rose.

    Répondre

    • yesben

      |

      J’aime ton humour cash Polo ! Ne vois nulle critique envers qui que ce soit et encore moins des marques dans mon texte, car si elles vendent plein de produits en tous genres, c’est qu’il y a des quantités de sportifs disposés à les acheter. En 1987, leurs coureurs n’avaient pas l’air de se prendre bien au sérieux, et c’est ce que j’aime chez des phénomènes actuels comme Michel Rabat qui, bien que « teamés », n’ont pas l’air d’être des chantres du consumérisme ambiant…
      Des « cul-terreux » chez La Sportiva ? Tu me l’apprends, j’étais pas au courant 😉
      Bon, c’est vrai, j’ai osé qualifier Salomon de team « ultramarketé » : sacrilège ! Libre à chacun de l’interpréter comme il le souhaite. Force est de reconnaître que ce sont des vrais pros du marketing. Si c’est bien ou pas, si ça me dérange ou pas, on s’en fout, là n’était pas mon propos 😉

      Répondre

  • yesben

    |

    Dans la même série, quatre ans plus tard dans les Pyrénées (1991), un autre monument :

    Répondre

  • yesben

    |

    Pour apporter un peu d’eau au moulin sur le sujet, un commentaire éclairant de Stéphane Darbonville sur FB, auquel l’on ne peut donner vraiment tort :

    « Avoir un esprit trail ça n’empêche pas d’être intelligent. Des gens ordinaires… inconscients !!! Partir en montagne courir des dizaines de kms sans réserve d’eau… bravo ! Et le commentateur qui dit presque normalement qu’un mec est mort d’épuisement et de froid tout seul perdu dans la montagne… je préfère mes chaussures, gore tex et autre camelback. »

    En conclusion : vivons avec notre époque, même si une certaine nostalgie nous guette parfois en revoyant de vieilles images…

    Répondre

  • Polo

    |

    Tu auras bien compris mon humour cash sur le sacrilège auquel je fais référence 😉
    Néanmoins, le fait de prendre un « teamé » comme rabat me dérange assez pour parler de l’esprit trail, il n’est certe pas un des chantres du consumérisme ambiant, mais il y participe !
    Ma conviction est qu’il faut aller au bout de ses idées et valeurs… j’aurais adhéré à 10000% si l’exemple du bonhomme rose ne cachait pas les vrais couleurs jaune et noire de la marque Italienne, à laquelle il appartient.

    Répondre

    • yesben

      |

      Polo, je comprends et respecte que cela puisse te déranger. Je ne suis pas un intime de Michel Rabat, mais des amis qui l’ont côtoyé de très près m’ont confirmé l’idée que je m’en faisais : bien que « teamé », c’est resté un vrai « rustique » au sens noble du terme et un vrai partageur, qui se moque bien de l’image qu’il peut dégager.

      Bref, une vision du sport qui me plaît bien. Appartenir à un team lui permet certainement de bénéficier de quelques moyens matériels, tant mieux pour lui ! Je ne crois pas que cela constitue en soi un « sacrilège » 😉

      Répondre

      • yesben

        |

        Polo, pour terminer sur le sujet, voici la réflexion intéressante de l’un de ces pionners des années 1980, Christophe Rassier, qui réagissait hier à mon post sur FB :

        « J’ai participé 2 ans plus tard à la Grande traversée de la Réunion d’une traite, en 1989. Je me souviens avoir mis à la poubelle tout mon ravito perso pour gagner du poids (j’avais un sac à dos tout de même) et de boire un max avant chaque montée et ne garder que 200 ml pour parcourir 3/4h de course.

        Et le pire c’est que cela s’est bien passé. Et parmi ces Fous il y avait des athlètes hors normes qui ne dépayseraient pas aujourd’hui : comme Smaghe et Trousselier, tous deux de Chamonix. C’est vrai qu’aujourd’hui les chaussettes de contention, les sacs hyper moulants, les bidons carénés et les lunettes J… assorties à la montre S…, cela fait sourire car il n’y avait pas de pancarte sûrement à l’époque et donc les GPS auraient été beaucoup plus utiles que maintenant ou chaque direction est indiquée.

        Cependant, Il faut vivre avec son temps. Si on avait pu avoir des super chaussures/vestes light, je les aurais prises ! A l’époque dans le cadre de La Réunion, cela semblait presque pas possible et les meilleurs athlètes du moment disaient que seuls une poignée sur les 500 pourraient rallier l’arrivée. Finalement, les 2/3 le firent ce qui prouva que Monsieur tout le monde un peu bien entraîné pouvait le faire. Et du coup le sillon était tracé. »

        Répondre

  • Dondonn

    |

    Comme je les aime ces super trails !!!
    Simplicité et souffrance dans cette superbe épreuve…

    Répondre

    • yesben

      |

      Ce qui est amusant Dondonn, c’est de voir combien ces vieilles images et ce qu’elles dégagent font rêver nombre de coureurs de nos jours. Certains me parlent de « nostalgie de l’esprit trail », mais s’est-il vraiment perdu ?

      A côté des mastodontes UTMB et consoeurs, il existe nombre d’épreuves confidentielles au calendrier trail qui ne dénoteraient guère avec cette ambiance simplissime de la fin des années 1980.

      Des ultras à moins de 100 participants, oui il y en a, mais curieusement, ce ne sont pas vers ces épreuves que les sportifs sont attirés, sinon une poignée… Toute la contradiction dans laquelle nous évoluons, moi le premier !

      Répondre

Laisser un commentaire

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.

Follow me

Une suggestion ou idée ?

< < C'est ici !

Reproduire un texte ?

Pas de souci les amis ! Mentionnez juste ©AMSPT avec l'URL