Reprise
Ça, ça s’appelle une échographie. Un truc indéchiffrable pour les ignorants de mon espèce, censé représenter un joli petit mollet dodu au repos forcé depuis 20 jours. « Bon de reprise !, m’a lancé, amusé, le spécialiste de la clinique. Vous êtes content, hein ? »
> PETITES ESPIEGLERIES ENTRE AMIS
C’est chiant la course à pied quand elle s’y met. Elle est joueuse, parfois trop. Au point d’en devenir pénible. Je suis sûr qu’elle complote avec mon corps depuis des années dans mon dos. Presque à tous les coups, c’est pareil : on commence à retrouver une bonne caisse… et PAF, une élastique pète à l’intérieur, sans coup férir. Heureusement, le presque sage que je suis devenu ne se blesse quasiment plus.
A force de tester toutes sortes de blessures – devant, derrière, en haut, dessous et même venues de nulle part – j’ai appris à dompter et éviter la majorité d’entre elles. Jeune chien fou, je les empilais. Ça s’appelle l’expérience… Mais de temps en temps, mes comploteurs préférés me font un caca nerveux, et explosent sans prévenir. Il faut être fairplay. On ne peut pas gagner à tous les coups.
Mais il y a deux week-ends, cinq séries de 1 500 mètres à la vitesse d’une demi-mobylette, sur ma piste cyclable le long de la Saône, ont méchamment encrassé le pot d’échappement droit. J’étrennais mes nouvelles chaussures prévues pour le marathon de Paris en avril : chouette… Eh bien non : POUET ! Sur l’avant-dernière série, le mollet commença à me chatouiller. Très légèrement. Sournoisement.
> POP-CORN PARTY
Sacré petit vicieux, va, qui a tenté de faire passer l’acide lactique pour le responsable de mes maux naissants. Sauf que la douche passée, j’ai déchanté : la vache, le muscle tiraille même en marchant. La sentence, je la connais : 7 à 10 jours de repos pour une élongation « standard ». Pas de déchirure plus handicapante semble-t-il : rien n’a pété sèchement. Pas idéal pour lancer ma prépa vers le marathon de Paris, mais y’a plus grave dans la vie, mon garçon.
Dégoûté, je l’aurais été il y a quelques années. Fataliste, je le suis devenu. De quoi vais-je me plaindre quand je pense à certains, autour de moi, qui ne pourront plus courir de leur vie ? Pour ne pas commencer à râler trop vite, rien de tel qu’une séance de cinéma et un paquet de pop-corn XXL, bouloté avec mon fiston. Peut-être pas idéal pour la récupération, mais excellentissime pour la tête !
Le truc que je redoutais, en revanche, c’est un possible changement d’humeur au cas où cet arrêt forcé viendrait à jouer les prolongations. Et que croyez-vous qu’il advint ? Huit jours plus tard et un footing de reprise rassurant, BOUM dans le mollet. PAN dans les dents. D’un coup net, après 25 minutes à gambader joyeusement. « Allô mon amour, ça t’embête de venir me chercher au pont de Couzon ? » Première fois de ma vie que j’étais incapable de rentrer en courant : il faut bien un début à tout…
> SEVRAGE, AÏE AÏE AÏE… PETAGE
Direction le docteur cette fois-ci, qui suspecte un truc plus contrariant qu’une simple élongation : « Possible déchirure aponévrotique, me lance-t-il, l’air grave. Souvent très long à cicatriser. » Mais arrête de me regarder comme ça, tu vas me faire flipper !?! Une heure de sport en 20 jours, et aucune visibilité quant à une possible reprise : dur de maîtriser un corps sevré quand il est habitué à gambader, transpirer et hurler de plaisir autant qu’il lui plaît.
Adieu Paris et mur du 30e, mais à ce stade je m’en fous de la compétition. Ça devient chaud bouillant à l’intérieur, et j’aime pas ça. Les mains qui deviennent tremblotantes, c’est pas bon signe. Merde : Parkinson à même pas 40 ans, ça craint. Hey, ducon : ça s’appelle juste les endorphines.
Chouette, j’ai atteint la zone pas cool du sevrage, qui me rend un brin pénible pour mes proches. Mes plus plates excuses, chère épouse et enfants. Promis, un jour je me ferai soigner. En attendant, sans ma petite drogue douce préférée, j’ai du mal à contenir les contrariétés professionnelles. Ma moitié ne peut même plus me lancer : « Va courir, ça me fera du bien ! » Pas cool d’avoir un job ultra-sédentaire, pour lequel nous ne sommes pas préparés.
> AIGRI OU HAPPY ?
L’homme est né bipède pour se mouvoir, évidemment. Pas pour s’avachir une douzaine d’heures par jour derrière un ordinateur et un téléphone. Ça fait même pas 10 calories brûlées à l’heure, un truc pareil. Zéro rentabilité. Et dire que je rêvais de devenir bûcheron quand j’étais gamin…
Une échographie vierge de tous soupçons, c’est donc trop bon. Adios les sautes d’humeur. Ma compagne va me redire des « Tu sais, quand tu veux, t’es le plus formidable des hommes » (bon, j’enjolive un peu), et mes clients apprécier que je sois « d’une zénitude qui ferait le plus grand bien à certaines furies ici ». Heureusement qu’ils ne connaissent pas la face B du disque quand l’appareil s’enraye ! En attendant, je suis H-A-P-P-Y.
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Commentaires (2)
BLIGUET Marie-Anne
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Salut Benoît,
Courage, les beaux jours arrivent et u vas pouvoir t’extasier à regarder, de ta fenêtre, éclore le printemps… Sinon, écris un livre : tu as le style !
J’espère que toute la petite famille se porte bien
Je te souhaite un bon et durable rétablissement et de la patience taille XXL…
Bises
Marie-Anne
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yesben
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Salut Marie-Anne,
le printemps cette année, j’espère bien en profiter dans les chemins et la verdure plutôt que derrière la fenêtre !
J’écrirais bien en courant, mais je n’ai pas encore le don d’ubiquité : les baskets ou l’ordinateur, il faut choisir 🙂
Et tout compte fait, entre les deux, je préfère profiter de ma petite famille, il n’y a rien d’aussi précieux.
Embrasse-bien les tiens de ma part… et j’espère à très bientôt
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