Gamelle… et conséquences
« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ». Mal m’a pris de prendre le réalisateur Michel Audiard au mot en courant : grosse gamelle & désagréable conséquence !
> VOL AU-DESSUS D’UN NID DE CAILLOUX
Qu’est-ce que vous faites à 6h30 du mat’ le Jeudi de l’Ascension ? Prolongations sous la couette ? « Trop de la chance », comme disent mes “racailleux” d’enfants. Pas de bol, le réveil m’a encore joué un sale tour cette année et extirpé des bras de Morphée. En guise de petit-déjeuner, une incartade à mon régime route-bitume-plat du moment, pour faire découvrir les circonvolutions des Monts d’Or à un copain. 40 km à se péter la panse sur les sentiers, histoire de mieux siester en début d’après-midi : j’adore ces jours fériés aériens.
Seulement, cette belle histoire s’est vite terminée en eau de boudin : vol plané au bout de 25 mn en descente, à la faveur d’une rencontre avec un couillu caillou planté au milieu du chemin. Cheville broyée et poitrine malaxée après m’être empalé contre une jeune souche coupée à 15 cm du sol. Et moi qui croyais que l’Ascension marque l’élévation au ciel de Jésus-Christ après sa résurrection… Quel optimiste et béat crétin. Dans la vraie vie de Terrien, ça donne plutôt « décélération et triple gnon : tu l’as profond dans le fion. »
A demi-sonné, souffle et jambes coupées, j’ai mis cinq bonnes minutes avant de recouvrer mes esprits. La gamelle sur le chien, la cabane au-dessus et le bonhomme affalé juste à côté : je me suis d’un seul coup senti terriblement senti seul et en colère.
> SI MÊME LE GPS PERD LE NORD…
Dans pareille situation, la première réaction c’est de t’en vouloir à l’infini : « Mais quel con !!! » Ça m’apprendra de vouloir continuer à jouer les Indiana Jones à l’aube plutôt que d’aller promener le toutou et chercher journal & baguette comme doivent le faire tous les vieux de mon âge.
Mais pourquoi cette saleté de gamelle et cette souche positionnée juste là, sur le bas-côté ? Tout cela sent le complot, ça ne peut être une coïncidence. Mes collines mont-doriennes m’en veulent-elles à ce point de leur avoir été infidèles ?
Quand on se déglingue pareillement, le bon sens incite à prendre le chemin le plus direct vers la maison. Bizarrement, en pareille circonstance, j’ai une curieuse propension à perdre mes neurones « orientation » et facultés de repère dans l’espace. Une vingtaine de kilomètres supplémentaires sera nécessaire pour retrouver ma voiture, planquée, qui elle aussi était forcément dans le coup.
> QUAND LA RAISON PARLE ET LE SENTIMENT MORD
C’est quand même super laid cette fierté de mec à deux balles. Elle te pousse à continuer, en te convainquant qu’en serrant les dents ça va passer, et que souffrir de la sorte t’aide forcément à te forger un mental de glolgoth-gladiator pour les prochaines compétitions.
Allez en parler à mon kiné-osthéo : vous auriez vu son regard réprobateur… « Ça va que tu as de bonnes chevilles, mais la prochaine fois, tu COUPES aussitôt ! » « Oui Monsieur », lui ai-je répondu tout penaud. Et moi qui me croyais devenu raisonnable en grandissant…
Bien évidemment, en 17 ans de course à pied, j’ai énormément appris de mes erreurs, ne me blessant quasiment plus ces dernières années. Mais le sentiment de se croire plus fort que les autres pousse encore à minimiser les “bobos” inédits. J’ai mal ? Mais non, ce n’est rien, ça va passer. Ne dit-on pas que « c’est quand ça fait mal que ça fait du bien » en compétition ?
> GRIMPE LA CÔTE FÊLEE, POULIDOR
Triple buse et lièvre crétin, quand est-ce que tu arrêteras de te croire au-dessus de la mêlée ? En reprenant la course à pied cinq jours après ma gamelle, j’ai compris, trois séances plus tard, que les conséquences de ma chute étaient plus profondes qu’une simple balafre. Etre incapable de gonfler la cage thoracique au maximum, c’est pas exactement normal.
Direction le docteur, qui m’a livré la sentence redoutée, en appuyant là où ça fait mal : « T’as une côte fêlée. C’est pas bien grave mais c’est long à se résorber et ça risque de te gêner un moment. Evidemment, tu arrêtes la course à pied tant que tu ressens quelque chose. » Oh la belle tuile. « Et le vélo, j’évite aussi ? », en redoutant sa réponse. « Tu en fais autant que tu veux tant que tu restes sur la route », me lance-t-il avec un grand sourire.
L’espace d’un instant, j’ai eu envie de l’embrasser. « Regarde chérie, c’est le docteur qui dit que je suis apte pour les 220 km de l’Ardéchoise dans trois semaines ! » Privé de transpirer comme un âne en cette saison ensoleillée, même pas en rêve. Tout compte fait, le timing est idéal avec cette belle transition sur la selle. Vraiment incorrigible le garçon. Parfois, je me désespère moi-même… mais qu’importe : l’heureux fêlé que je suis a retrouvé la lumière !
Photos : DR Aisling O’ Connor, Freepix.com
Mots-clefs : conséquences, gamelle
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Commentaires (2)
Beaugrand
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Alors là, y pas à dire ça sent la gaufre du siècle, mais je comprends aussi le bobo au moral…
Mais j’y pense aussi quand je cours seul dans les bois, et c’est pas mon portable au fond du sac qui me rassure à 100%…
Reste maintenant à se faire « une petite convalescence » pour pouvoir étaler avec fierté cet été sur la plage ses blessures de guerre sans avoir mal !!!
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yesben
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T’inquiète pas Benoît, le moral est au beau fixe. Il l’est d’autant plus que le vélo m’est vivement autorisé. Une autre façon de me défouler et de m’aérer l’esprit après des journées derrière l’ordinateur, même si je le pratique plus en roue libre que le running. Pas le temps d’aller jouer les anciens combattants sur la plage, activité trop peu transpirante pour moi !
En attendant, mon kiné-osthéo-rebouteux-magicien me recommande deux semaines de plus sans courir, ce qui donne une reprise potentielle… juste après l’Ardéchoise. Qu’elle-ce qu’elle a été bien calculée cette gamelle, tout compte fait 😉
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