(L’âge de) raison

Written by yesben. Posted in MOT A MAUX

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Bye-bye Paris 2015, j’ai basculé dans l’âge de raison. Trois semaines de repos forcé ont eu la peau de mes ambitions marathoniennes, que je rêvais hautes pour mes 40 ans. Et puis mince, il y aura bien d’autres occasions. T’es sûr que ça va, mon garçon ?

> C’EST GRAVE, DOCTEUR ?

Est-ce qu’un être excessif peut un jour devenir raisonnable ? Il n’y a pas si longtemps, je m’en serais cru incapable. Un sportif boulimico-épicurien, pour ceux qui n’en ont jamais côtoyé, il faut vraiment s’en méfier. Ça peut être fourbe. Le genre d’énergumène qui hoche la tête et vous répond systématiquement « oui » avant la fin d’une question, pourvu qu’il puisse avoir son « shoot » de gouttelettes qui perlent sur le front.

Je sais de quoi je parle, car je suis l’un de ces gentils timbrés. Parfaitement lucide sur son état et en pleine cure de relativisation. A 40 ans, il était temps ! Il y a encore cinq ans, parliez-moi d’arrêt sportif prolongé ou de renoncement à mon objectif phare de l’année, et je « dégoupillais », sauce pacifique. Entrée en état semi-léthargique, mini-phase dépressive : à chaque fois, il fallait vite que je chasse ces idées de ma tête et rallume la flamme  en me fixant un nouvel objectif  sportif encore plus « zinzin ».

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La perspective de devoir renoncer, quand on a l’âme d’un grand compétiteur, même avec un petit niveau, ça fait mal à son ego. Chassez la désillusion et elle revient au grand galop. Certains estimeront que le sport à haute dose est une fabrique à grands corps – et esprits – malades, c’est leur droit. Permettez-moi de penser tout l’inverse, chers contradicteurs. Pouvez-vous comprendre combien une vie de sédentaire assumée peut exacerber la soif de dépense physique au fil des ans ? Cette frénésie de transpiration est inscrite dans mes gènes : pourquoi irais-je contre nature ?

> MARATHON ADDICT

Mais quelque chose a changé ces derniers temps. J’ai l’impression qu’être passé vétéran en fin d’année m’a assagi, sans pour autant renoncer à quelques « épisodes podiums ». Depuis mon errance au marathon Nice-Cannes en novembre 2013, je n’avais osé défier à nouveau la distance reine sur route, qui m’a causé bien plus de déceptions que de joie depuis mes 2h38 à Lyon en… 2004. Une éternité. Onze ans plus tard, l’année de mes 40 ans, je me faisais une joie de me réconcilier avec ces terribles 42,195 km. Evidemment à Paris. Là où tout a commencé en 2003.

Une « première » aisément avalée en 2h44… et patatras. Même mes 2h38 lyonnais l’année suivante avaient été une belle galère, avec un terrible passage à vide entre les 32 et 39èmes km, en raison d’une débutante erreur d’alimentation. J’ai benoîtement cru que ma marge de progression serait bien plus large que ces 6 ridicules minutes gagnées depuis. Un coup trop chaud, une fois trop vallonné, ou bien trop venteux, quand ce n’était pas le bonhomme qui était tout simplement en petite forme. Terriblement cruelle, cette distance macadamienne. Mais tellement exaltante les jours où tous les éléments pointent dans le bon sens.

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Il y a six mois, je me suis promis que ce 12 avril 2015 serait le marathon de la réconciliation. Moins de 3 semaines avant d’entrer chez les « quadras ». Tout un symbole. Impossible de me manquer cette fois-ci. Une « prépa » démarrée de très loin début décembre avec la SaintéLyon en relais plutôt qu’en solo, juste pour ne pas griller trop de « cartouches » physiques : ah, je l’avais bien planifié ce chouette pari, convaincu que tout se jouerait avant les huit dernières semaines. Ou comment m’affûter comme un coton-tige pour mieux faire sauter ce satané mur du 30e km sur lequel s’écrasent tant de coureurs chevronnés.

> DESINTOXIFICATION

Las, près de 3 semaines d’arrêt fin janvier m’ont coupé net dans mon élan. Au lieu de m’époumoner sur les courses courte distance, j’ai grignoté du « canapé-chips ». En devenant cette fois-ci très fataliste. Sachant qu’il me restait encore un mince espoir pour le marathon, j’aurais habituellement tenté le coup. Et intimé l’ordre à mon corps de passer la surmultipliée sans l’écouter. Lui demander son avis ? Et puis quoi encore ? C’est qui le chef d’abord ? Et après l’on se demande pourquoi on se blesse…

A l’instar des ados qui se mettent systématiquement à me vouvoyer (ça, c’est pas bon signe…) ces temps-ci, j’ai l’impression de parler comme un vieux combattant. Ça doit être les stigmates de la quarantaine naissante, que j’appréhende avec une étonnante délectation. La « crise des 40 », trop peu pour moi. Finie l’adolescence, je vais enfin pouvoir vivre en adulte consentant. Il était temps. « Encore près de deux mois pour préparer ton marathon ? Mmhhh… ça va le faire », m’a rassuré le coach Christian, sur-diplômé en science du marathon.

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Une semaine et demi de reprise plus tard, je me faisais une raison : « Mon garçon, si tu dois encaisser tout ce qu’une préparation marathon digne de ce nom exige, tu vas droit dans le mur avant même la ligne de départ. » Entre une petite entreprise à faire tourner, une famille à choyer, des travaux dans la maisonnée qui n’avancent jamais assez vite, il ne faut pas se tromper d’objectif. Aborder ce marathon dans ces conditions me ferait pencher du côté obscur de la force : risque de grosse blessure, surmenage, voire de devenir un nid à microbes ambulant. Je ne veux plus subir ces déséquilibres qui m’ont parfois accompagné par le passé. Une petite bière, quelques TUC et pistaches, c’est tellement sympa aussi…

> EXCESSIVEMENT RAISONNABLE

Et si, l’âge de la raison, c’était tout simplement être honnête avec soi-même ? Et pourtant, côté volume d’entraînement, quitte à en ébouriffer certains, j’ai l’impression de rester dans le domaine de « l’acceptable ». Là aussi, un joli débat sans fin. Etre « raisonnable », sur l’échelle de la relativité, qu’est-ce que ça veut dire ? Dans mon cas, jamais deux séances dans la même journée, pas plus de cinq sorties hebdomadaires, et grand maxi 100-110 km en période d’entraînement intense. Le reste de l’année, je mets plutôt le nez 3 à 4 fois dehors, quand je ne fais pas un peu de « gras », au moins deux fois par an. « Trop peu pour viser mieux », me rétorqueront certains stakhanovistes de l’entraînement. Et alors ?

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Le plus important, à mes yeux, c’est d’avoir trouvé un chouette équilibre grâce au sport. Au nom de quoi courir 50, 70 ou même 100 km par semaine feraient de moi un être en péril ? Je trouve la devise d’ASICS excessivement juste : « Anima sana in corpore sanum ; un esprit sain dans un corps sain ». Rien n’est plus important que d’avoir la santé physique et mentale, nous sommes à peu près tous d’accord là-dessus. Aussi, peu importe la voie empruntée, fût-elle sportive et outrancière pour le commun des mortels.

A force de m’interroger sur mon comportement sportif, j’ai fini par trouver quelques réponses rassurantes : ce qui m’anime n’a strictement rien d’autodestructeur. J’éprouve juste un immense besoin de bien-être et de plénitude. C’est tombé sur la course à pied, mais cela aurait aussi bien pu être le vélo, l’alpinisme, le base-jump ou pire encore : le curling. Tout compte fait, ne suis-je pas excessivement raisonnable ? Une bonne sortie en baskets sur le plancher des vaches, avec un bout de verdure et quelques jolies collines, vous ne trouvez pas qu’il y a pire comme exutoire ? Allez oust, c’est bientôt le printemps, tous dehors !

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