Marathon Nice-Cannes 2013 : j’ai venu, j’ai vu, j’ai…perdu

Written by yesben. Posted in Comptines 2013

Marathon Nice-Cannes 2013-1

Le marathon et moi, c’est  du « Je t’aime moi non plus ». Coureur de grands dénivelés dans l’âme, les 42 kilomètres et 195 mètres m’attirent irrésistiblement. Malgré une incapacité chronique à faire faire sauter le verrou des 2h38, à maintes fois effleuré depuis 2004. Ce Nice-Cannes sera-t-il le bon ?

> DU FANTASME A LA REALITE

Ca y est : 2h36 ! Yeaaaahh !!! Et pan sur le bec à mes détracteurs,qui ne voyaient plus en moi qu’un néo-retraité. Certes, je serai officiellement V1 le 1er novembre 2014, mais peut-on raisonnablement parler de “retraite” à seulement 39 ans ? Ce p… de macadam, qui colle depuis des années à mes basques, moi l’épris de montagne et de grands espaces, je lui ai fait sa fête. ENFIN. Il m’en a tellement fait baver, à mon tour de lui rendre la pareille. Depuis 2004, c’est du « Je t’aime moi non plus ». Incapable de faire sauter le verrou des 2h38, à maintes fois effleuré, quand ce n’étaient pas les conditions météos défavorables qui rendaient tout espoir vain.

A ma place, d’autres auraient depuis longtemps lâché, tant le courage manque facilement lorsqu’il faut chausser les baskets après 21h le soir. La tentation du canapé est alors si grande après une belle journée de travail… J’ai résisté, aimé ma préparation et mon abnégation quelle que soit la météo. Et aujourd’hui, cette fois-ci, je n’ai pas que vu : j’ai vaincu. 2h36 à serrer les dents, pour savourer cet immense plaisir d’avoir su repousser encore un peu mes limites. Jubilatoire. J’en ai les larmes aux yeux.

Et puis… une étrange sensation. Une paupière qui se soulève difficilement, puis la seconde, et cette étrange sensation de revenir d’un lointain voyage. Et, quasi immédiatement, l’impression d’avoir la gueule de bois en ce lundi matin.  Mince, tout cela n’était qu’un fichu rêve. Le marathon de ma vie, c’était pas à Nice, encore moins à Cannes. Va encore falloir réviser tes gammes, jeune et intrépide soldat : tu t’es monumentalement brisé contre la bise. La gifle n’en est que plus cinglante, car celle-ci, vraiment, tu ne t’y attendais pas.

> JE DEVISSE A NICE, J’AI PLUS DE CANNES SUR LA CROISETTE
Marathon Nice-Cannes 2013-2

Ce marathon 2013 laissait augurer de belles promesses et surtout un joli chrono, tant la partition de ma préparation a sonné juste depuis le 20 août. Aucun accroc physique, des séances suivies à la lettre, un rythme de 5 séances hebdos et des semaines entre 80 et 100 km, et même 15 derniers jours ultra-sérieux dans l’assiette et au niveau du sommeil, une fois n’est pas coutume.

Forcément, le résultat – bien réel celui-ci –, fait très mal : 3h09, de loin ma plus piètre performance de marathonien, après les 3h01 frigorifiques de Lausanne il y a quelques années (avec 2h50 de route au petit matin, je l’avais bien cherché), en mettant de côté les 3h06 de New York courus au rythme d’entraînement en 2004.  Et dire que ma 5e place au semi-marathon de Cabriès près de Marseille il y a trois semaines m’avait laissé plein d’espoir…

Oh my god, que s’est-il passé ? 24 heures se sont écoulées et je n’y comprends toujours rien. Le vrai jour  SANS, celui que tout sportif – petit ou grand –  connaît au moins une fois dans sa vie. Depuis 15 ans que je cours, je n’avais jamais été à pareille (dé)fête. J’avais beau être prévenu, quand on ne s’y attend pas, cette sensation de néant et de vide intersidéral entremêlés fait l’effet d’un tacle en pleine carotide. En méforme totale à Paris au printemps 2012, j’avais carrément limité la casse avec un très correct 2h41.

Un an et demi plus tard, je me traîne à plus de 28 mn. Avec une séance d’entraînement hebdomadaire, franchement, j’aurais fait mieux. Les cinémas Gaumont, remboursez-moi tout de suite les billets d’entrée de “Turbo”, qui a égayé la Toussaint de mes chers bambins : cet escargot même pas bourguignon n’est qu’une très mauvaise farce. Et de mauvais goût de surcroît : ça devrait être interdit de laisser croire à des enfants innocents qu’il est autorisé d’oser  vivre ses rêves.

> FESTIVAL DE LA LENTEUR
Marathon Nice-Cannes 2013-3

Tel Hugo l’Escargot, je me suis traînassé durant 42 kilomètres et 195 mètres, même si, jusqu’au 12e km, rien ne laissait supposer un tel dévissage. Avec mon compère de Nîmes Trail Attitude Olivier, fidèle compagnon de mes séances sur piste depuis début septembre, on se voyait, dans le scénario idéal, faire longue route ensemble, même sans se le dire. Et pourtant, ce couillon n’a rien trouvé de mieux que d’aller faire la queue aux toilettes à 20 mn du départ dimanche, donné à 8h pétantes. A quelques minutes du coup d’envoi, tandis que le sas réservé aux dossards préférentiels disparaissait sous les piétinements des 12 500 participants sur la Promenade des Anglais, toujours pas d’Olivier en vue.

La recordwoman de la distance, Paula Radcliffe (2h15), venue donner le top départ en compagnie d’une autre légende de l’athlétisme, Hicham El Guerrouj, ne semblait guère s’en soucier en brandissant son pistolet vers le ciel. Merde, manquerait plus qu’il soit resté coincé dans les chiottes bancales installées par l’organisation sur la place voisine ! Jusqu’à ce qu’une voix familière détourne mon attention au 1er kilo : tiens, mon Olivier est parvenu à se délester et à s’extraire de sa cavité puante, vu son sourire béat. Ce qui ne sera manifestement pas le cas d’autres coureurs : je vous réserve un descriptif haut en couleurs et en odeurs un peu plus loin… –.

Malgré la tempête de vent annoncée sur tout le pourtour méditerranéen, le zef était encore lové dans les bras de Morphée après quelques kilomètres. Et si, avec ces 13 à 14° et ce ciel très clair, c’était enfin mon jour ? « Tu verras, il est fort possible que le vent ne se lève qu’à partir de 11h », avait prédit la veille mon cousin Pierre-Jacques “Gillot-Pétré”, qui a joué les hôteliers de luxe durant les 3 jours de mon séjour en terre niçoise. Puissent les cieux lui donner raison.

Marathon Nice-Cannes 2013-4

> SALADES NICOISES

Avec un passage très prudent au 10e km en 37’28, pile poil à l’allure cardio préconisée par coach Christian, les 2h38 peuvent avoir chaud aux fesses. Presque en balade le Ben, purée je crois que c’est mon jour ! Mais 3 km plus loin, de manière incompréhensible, sans prévenir, une sensation de mollets pas si frais que ça, en plus d’une grosse et inhabituelle envie de pisser. « T’affoles pas, tu auras tout le temps de te soulager après l’arrivée », me dis-je. A peine le temps de ruminer mes premiers doutes qu’une grosse bourrasque de vent nous ramène à la réalité : quand Laurent Cabrol disait que ce dimanche serait très venteux sur la Cote d’Azur, c’est qu’il le serait vraiment.

Pas si cons que ça ces météorologues, Pierrot tu seras quitte pour me payer deux tournées de Picon-bière ce midi ! Et cet espèce d’enfoiré d’Eole, vas donc plutôt alimenter tes hélices dans le Roussillon, ils n’attendent que cela ! T’as pas compris qu’on n’en veut pas ici, pas ce matin en tout cas ?!? Aussitôt, je me laisse légèrement décrocher pour ne pas faire exploser le thermomètre FC, rattrapant Olivier et les premières féminines kenyanes qui venaient de nous doubler, à l’occasion d’une portion favorablement ventée (la seule sur le parcours, je crois bien). Et mine de rien nous voilà au KM 16, passé pile en 1h00, toujours dans le bon tempo. Mais j’ai déjà conscience que c’est le début de la fin en ce qui me concerne.

Marathon Nice-Cannes 2013-5Car dès le km 17, ce satané vent qui n’arrête pas de forcir semble décidé à nous en faire baver jusqu’au bout. Déjà en plein doute, il ne m’en fallait pas plus pour me faire baisser pavillon. Fermez le rideau, je rentre  à la maison. Je n’ai pas honte d’avouer qu’à ce moment précis, c’est le mental qui a lâché. Terminés les 2h38, fichue la course et qu’importe le chrono à l’arrivée. Des 2h39, 40, 41 et jusqu’à 2h44, j’en ai déjà une pleine collection.

Ah qu’elles sont belles mes breloques ! Une de plus, à quoi bon, surtout que les jambes n’ont pas l’air de tourner rond ? Pas question de mettre le clignotant non plus, ce parcours qui épouse quasi-parfaitement la côte est de toute beauté, ça me fera au moins une superbe balade touristique en guise de lot de consolation. Je ne croyais pas si bien dire à ce moment précis…

> QUAND UNE DEFLAGRATION EN CHASSE UNE AUTRE

Le truc, quand on court “en-dedans”, c’est qu’on remarque plein de trucs qu’on ne voit pas le reste du temps. Parfois sympas, parfois d’autres pas. Mais alors pas du tout. Dans une forme normale, je n’aurais jamais été rattrapé pas autant de coureurs, et certainement pas par ces deux zinzins qui vont me marquer pour un moment. Vers le km19, un concurrent revient à ma hauteur et à cet instant, je ne pense qu’à me mettre dans son sillage pour m’abriter du “mistralmontane” qui fait des siennes. Ô peuchère, ô ma bonne-mère, que n’ai-je souhaité là… Le gars désormais devant moi a le short blanc et rouge – mais également l’entre-jambes – maculé de ce-que-je-prends-sur-le-coup pour de la terre.

Marathon Nice-Cannes 2013-9Sans doute plus suffisamment alimenté, mon esprit se met à divaguer : « Purée, le mec s’est pris une sacrée belle gamelle mais n’a pas du se faire mal vu comment il envoie encore. » Avant de réaliser ma méprise : « T’es trop con, il a pas pu prendre une coulée de boue sur la route ! T’es pas sur les chemins escarpés aujourd’hui, mon coco… » A peine le temps de prendre conscience de mon erreur de jugement qu’une indescriptible effluve m’a caressé les narines. « Mais ce con s’est chié dessus, c’est pas possible !!! »Aussitôt, je m’éloigne le plus possible de l’autre côté de la chaussée, pas question de me laisser intoxiquer par cette puanteur. Je vous en ferais bien un descriptif plus circonstancié, mais rien que cette évocation me donne encore  la nausée.

Encore tout retourné par ce jamais vu en quinze ans de course à pied, voilà que, à peine 20 mn plus tard, la même scène se reproduit avec un autre coureur. Habillé en bleu cette fois-ci, mais avec la même déflagration et la même fragrance. L’Exorciste, Freddy et autres Massacre à la tronçonneuse peuvent aller se rhabiller : je n’avais jamais eu une telle vision d’horreur sous mon nez. Toute marron, dégoulinante jusqu’aux mollets, et qui fait “flic-floc” entre la peau et les vêtements souillés.

Je dois bien le reconnaître : je suis choqué. Consterné. Comment peut-on manquer d’estime de soi à ce point pour faire sciemment dans son froc et continuer à courir comme si de rien n’était ? Je le jure devant tous : quand bien même il m’arrivait un jour d’être sur le point de battre le record du monde du marathon au 40e km, je m’arrêterai quand même, et si possible dans un coin à l’abri des regards, pour assouvir ce “bas-besoin”. Fin du chapitre scato, j’ai assez donné.

Marathon Nice-Cannes 2013-6

> BRISE DE NICE

Nice-Cannes, à part ça, c’est un marathon vraiment chouette, et j’ai apprécié me laissé bercer par les vrais  embruns marins, malgré ma forme inexistante. A mi-distance, passée en 1h20’17, j’accusais déjà près d’une minute de retard sur mon compère Olivier, qui tentait de s’accrocher au train de tête féminin. Quelques hectomètres plus loin, je tombe sur Jérôme, autre camarade de NTA venu disputer la distance en relais avec sa chère et tendre Marielle. A ses encouragement, je réponds : « J’ai pas envie aujourd’hui, ma course est finie, mais pas question d’abandonner. » En douze mots, tout était dit.

Au km 30, plus le vent s’intensifiait, plus mon rythme de course s’abrutissait. Grâce la Limace, sors tout de suite de ce corps ! FC proche du zéro (à plusieurs reprises sous les 100 puls), certains kilos bosselés passés en plus de 5’30, et cette drôle d’impression d’être incapable d’aller plus vite. Mince alors : jamais je n’aurais cru tomber si bas en ce jour annoncé comme celui de la grande reconquête. J’ai bien du me mettre à marcher à 4-5 reprises, pas vraiment du genre de la maison et de mon mental de “dur au mal” : habituellement, je suis plutôt enclin à me sortir les tripes dès lors qu’un dossard est en jeu.

Affirmer que j’ai apprécié les 15 derniers km serait mentir, malgré le passage de la superbe baie du Cap d’Antibes et une vue permanente sur la Grande Bleue. Ma méforme et les bourrasques de face dépassant les 100 km/h au km 40 – au point d’enlever ma casquette et de poser une main sur mon dossard pour ne pas finir à poil – ont fini de me ratatiner.

Marathon Nice-Cannes 2013-7Fin du hachis parmentier dans l’anonymat le plus total en 3h09, sous un grand soleil et une foule impressionnante sur le dernier kilomètre. Sympa le petit air de franchissement de col de montagne du Tour de France. Merci à tous, mais redoublez plutôt d’applaudissements pour ceux qui ont réalisé une vraie perf à côté de moi.

> VIVEMENT 2014

La “merdaille” de finisher autour du cou, je ne me sens même pas déconfit. Ni déçu, ni anéanti. C’est la loi du sport et, l’âge aidant, j’ai appris à relativiser. J’ai tellement plus gagné que perdu à ce jeu là qu’il serait indécent de me plaindre. Et puis, me dis-je instantanément, si j’avais couru en 2h41 aujourd’hui, là j’aurais pu pester et enrager. Alors c’est peut-être un mal pour un bien, on se console comme on peut ! Olivier m’apprend quelques instants plus tard qu’il boucle la distance en 2h44, à seulement 35’’ de son chrono de référence. Une superbe 24e place au scratch pour lui, mais que de (vrais) regrets : en temps normal, il passait sans souci sous les 2h40, son objectif du jour.

J’aime bien analyser mes courses dans les jours qui suivent,  pour comprendre ce qui a marché dans ma préparation et le jour J ; et à l’inverse, quand ça ne sourit pas, pour apprendre de mes erreurs et de mes échecs. Cette fois-ci, je ne sais même pas si j’en ai envie, tellement je suis passé à côté. Faut-il trouver une explication rationnelle à tout ?

Oui, je sais qu’il ne faut pas changer ses habitudes en course : alors sans doute n’aurais-je pas du troquer ma fidèle tenue verte qui me suit depuis 2006 pour la blanche du club, réservée jusque-là aux entraînements. Nan, pas assez fétichiste pour y croire. Ni consommer pour la première fois des gels Punch Power dont le goût m’avait pourtant fait excellente impression à l’entraînement. Tiens, y’a peut-être là une vraie piste.

Marathon Nice-Cannes 2013-10Ni être aussi sérieux dans l’approche de l’évènement dans les 10 jours précédant le marathon. Et encore moins du renoncer à la traditionnelle petite bière d’avant-course la veille au soir, inaugurée avec une fulgurante réussite quatre années plus tôt à l’Urban Trail de Lyon. Là OK, je me plie bas : j’ai vraiment déconné de déroger à mon habitude !!!

Et si, finalement, aucun de ces motifs n’était valable ? Et si, comme a cruellement balancé mon sal… d’adoré de président de NTA Didier hier soir par mail : « Ben, il est peut-être temps de faire de la place aux jeunes… » Que nenni, tiens, je m’y refuse tout entier. Tant qu’il y aura de la vie – et la santé –, je ne risque pas de renoncer. Surtout depuis que mon coach m’a lâché qu’il a connu ses meilleures années sur marathon à partir de 42 ans, 2h34 tout de même le bougre. Bref, je viens de me prendre une superbe claque, mais l’espoir reste en marche.

Marathon Nice-Cannes 2013-8Maintenant, avec le froid qui arrive, place au gras, mais pas trop longtemps quand même, car je suis bien décidé à remettre le couvert sur la distance reine au printemps 2014…

Et comme disait joliment Clive Woodward, l’entraîneur champion du monde du XV de la Rose, après un match ou son équipe était complètement passée à côté, « Mieux vaut prendre une bonne bière et passer à autre chose ». Bref, c’est toujours plus agréable d’analyser ses victoires que ses défaites !

 

Rétrolien depuis votre site.

Laisser un commentaire

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.

Follow me

Une suggestion ou idée ?

< < C'est ici !

Reproduire un texte ?

Pas de souci les amis ! Mentionnez juste ©AMSPT avec l'URL